Cela a été un parcours incroyable d’arriver jusqu’ici et de prendre part à la Coupe du Monde de Rugby 2025. Il y a presque deux ans, nous avons affronté l’Irlande en finale du WXV3, un match qui représentait déjà un accomplissement rien que d’y être. Pour en arriver là, et au vu de la manière dont nous avons joué ce match, nous avions montré notre progression et prouvé que nous étions une équipe mature, capable de rivaliser avec les meilleures.
Nous avons eu le sentiment de maîtriser cette finale, mais nous avons perdu de seulement deux points. C’est impossible de décrire à quel point ça a fait mal, mais ça a aussi été un tournant pour moi. Jusqu’à ce moment-là, je n’avais jamais vraiment eu le sentiment d’appartenir à l’équipe nationale. Je savais que j’y étais arrivée, mais je n’osais pas encore m’appeler une Leona, car il me manquait quelque chose.
Je me souviens d’être rentrée chez moi après la défaite contre l’Irlande, complètement abattue par cette occasion manquée, surtout parce que j’avais l’impression que nous étions à notre meilleur niveau à ce moment-là. Mais avec le recul, je me rappelle aussi m’être regardée dans le miroir et m’être dit : “Tu appartiens à cette équipe, tu fais de belles choses pour elle."
Je crois que l’équipe me fait grandir chaque jour. Ma motivation vient d’elles, parce que tout ce que je fais, je le fais pour elles. Sans elles, je ne pourrais pas me dépasser comme je le fais.
J’ai décidé de me faire tatouer le mot trust. C’était pour me rappeler l’importance de travailler au quotidien et de ce que cela signifie de se sentir à sa place. Ce tatouage est là pour me rappeler que je dois avoir confiance en moi, confiance en mon équipe, et confiance dans le fait que l’Espagne mérite sa place sur la grande scène du rugby mondial.
L’année suivante, nous étions de retour en finale du WXV3, et cette fois nous avons battu les Fidji pour décrocher notre billet pour cette Coupe du Monde. J’ai encore été submergée par l’émotion, mais cette fois parce que mes rêves s’étaient enfin réalisés, et que je savais exactement combien d’efforts j’avais dû fournir pour en arriver là. J’ai pensé à la petite fille de dix ans que j’étais, qui rêvait de ces choses. Je l’ai fait pour elle.
Depuis, nous travaillons toutes très dur pour préparer au mieux ce tournoi, et nous avons trouvé de l’inspiration en chemin. Avant notre récent voyage au Japon, nous avons passé une journée avec les joueuses espagnoles qui ont disputé la Coupe du Monde 1991, la toute première édition.
Elles sont venues nous voir à l’entraînement et nous avons discuté pendant des heures. Nous nous sommes senties tellement proches de leur histoire et tellement honorées d’avoir dans notre passé des femmes aussi fortes et déterminées. Certaines d’entre nous ne les connaissaient même pas, mais elles nous ont montré leurs photos et raconté leurs souvenirs. Nous nous sommes senties reliées à elles, et en même temps, quelque chose a grandi en nous : la certitude que nous ne sommes pas seules. Beaucoup de femmes se sont battues pour nous avant, et désormais c’est à nous de le faire pour les générations futures.
Les voir nous remettre nos maillots a été un moment puissant, magnifique et inoubliable. Cela nous a rappelé que le rugby espagnol féminin existe sur la scène internationale depuis longtemps, et qu’il nous appartient désormais de montrer ce dont nous sommes capables. Pas seulement pour nous, mais pour toutes celles qui, avant nous, ont cru que le rugby féminin avait sa place en Espagne.
Je veux moi aussi être cette personne qui inspire la prochaine génération. Tous les enfants doivent rêver grand. J’ai toujours rêvé grand. Je ne savais même pas que nous avions une équipe nationale, car à l’époque ce n’était pas diffusé à la télévision. Mais je savais que je voulais faire quelque chose avec le rugby. Chaque jour où je suis impliquée dans le rugby, chaque jour où je m’entraîne, ma journée est meilleure. C’est cette passion pour le rugby et pour mes coéquipières qui m’a menée jusqu’à cette Coupe du Monde.
À toutes ces jeunes joueuses : soyez passionnées dans tout ce que vous faites, et rêvez grand. Ne pensez pas que parce que vous êtes une petite fille d’un petit club, vous ne pouvez pas arriver jusque-là. Vous le pouvez, et vous y arriverez si vous travaillez.
Un jour, vous aurez votre maillot. Vous le regarderez, vous saurez ce qu’il a fallu pour le mériter, et vous vous regarderez dans le miroir en vous disant que vous êtes à votre place.
