Maggie, quelle joueuse de ton équipe t’a le plus impressionnée ?
Sophie de Goede (Canada) sans hésiter. Elle sait tout faire. Contre la Nouvelle-Zélande, on a vu sa vitesse, son explosivité, sa qualité de passes après contact, et en plus son jeu au pied… c’est juste exceptionnel. Pour moi, elle est au-dessus de tout le monde.
J’ajouterais aussi Meg Jones (Angleterre). Elle a toujours été brillante, et j’ai eu la chance de la voir évoluer ces dernières années : elle n’a cessé de progresser.
Et puis, parmi les autres joueuses qui méritent une mention : Amee-Leigh Costigan et Beibhinn Parsons pour l’Irlande, Freda Tafuna et Erica Jarrell-Searcy pour les États-Unis, Caitlyn Halse et Desiree Miller pour l’Australie. Enfin, Braxton Sorensen-McGee, côté Black Ferns, a été excellente.
Ton regard sur la finale et sur l’impact de ces joueuses ?
Ce sont deux équipes très proches qui se connaissent par cœur. Pour moi, la clé sera le jeu au sol. Le Canada a un des rucks les plus rapides, l’Angleterre un peu moins, mais elles sont redoutables pour gratter le ballon. Contre la France, Hannah Botterman et Meg Jones ont été impressionnantes dans ce domaine.
Mais maintenant que leur plan de jeu est visible, les Canadiennes vont se préparer à les contrer.
Parole d’avant : la mêlée sera elle aussi décisive. Les deux équipes ont de très bonnes mêlées, mais il faudra surtout convaincre l’arbitre, Hollie Davidson. La première mêlée va donner le ton du match.
Enfin, la discipline sera capitale : le Canada n’a pas concédé un seul coup de pied de pénalité pendant une heure en demi-finale. Ne rien offrir, rester à 15 sur le terrain, ce sera essentiel.
Je pense que l’Angleterre l’emportera d’un rien, peut-être deux points. Mais ce sera un super match.
Dans l’ensemble, quelle équipe t’a le plus impressionnée ?
Le Canada. Beaucoup les voyaient comme des outsiders, mais pour moi, elles étaient clairement des candidates au titre, et je le disais déjà avant le tournoi.
En 2014, quand on les a affrontées en finale, je m’étais dit qu’elles allaient revenir très fortes. Je pensais que ce serait dès l’édition suivante, mais leur financement a changé et elles ont dû reconstruire. Aujourd’hui, elles ont battu toutes les équipes sauf l’Angleterre… et c’est la dernière sur leur liste.
Je citerais aussi l’Afrique du Sud. Elles progressent beaucoup, avec un encadrement qui leur apporte plus de structure et de solidité. Peu de monde les voyait en quarts, et pourtant elles sortent de leur poule et tiennent tête à la Nouvelle-Zélande à la pause (10-10).
Revenons à ta carrière : ton premier Mondial ?
C’était en 2006, au Canada. À l’époque, toutes les équipes logeaient dans le même hôtel. Tu croisais tes adversaires dès ton arrivée, au petit-déj, partout !
Pour moi, c’était énorme. Mais une fois sur place, c’était des terrains ordinaires, avec juste quelques rangées de sièges temporaires. Pas de grandes tribunes. Je ne me souviens pas de mon premier match, mais je me rappelle la grandeur de l’événement.
La Nouvelle-Zélande faisait peur, l’aura des Black Ferns était immense. Et les États-Unis aussi : de grandes athlètes. Sans oublier la France, qui battait souvent les grosses nations.
Comment vous prépariez-vous à l’époque ?
On n’avait pas les mêmes moyens, mais on faisait partie des mieux loties quand même. On avait des stages le week-end, parce qu’on travaillait toutes à côté. Ces stages se faisaient souvent dans des bases militaires, avec un peu d’entraînement type armée en plus du rugby.
Il y avait déjà un esprit de professionnalisme : du temps passé ensemble, la construction des automatismes, du jeu, mais dans un contexte très différent de celui d’aujourd’hui.
La performance dont tu es la plus fière ?
La finale de 2010 contre la Nouvelle-Zélande au Twickenham Stoop. J’étais à mon meilleur niveau.
En 2006, j’avais été élue joueuse de l’année, mais à l’époque, tout le monde ne voyait pas les matchs.
En 2010, j’étais encore nominée, mais je ne l’ai pas eue – sans doute parce que la Nouvelle-Zélande avait gagné. J’ai fait un gros match, sans marquer, mais en apportant énormément. J’étais dévastée de la défaite, mais c’était mon sommet personnel. Heureusement, on a pris notre revanche quatre ans plus tard.
Ton adversaire le plus coriace ?
Heather Fisher. L’une des meilleures joueuses que j’ai affrontées, et aussi une coéquipière en club. Ultra puissante, une athlète complète et avec une intelligence de jeu incroyable. Contre elle, tu devais toujours sortir ton meilleur niveau. Heureusement, c’était souvent en championnat ou à l’entraînement !
Et Anna Richards, l’ouvrière néo-zélandaise. En 2010, je me disais : “elle a deux fois mon âge, ça devrait aller”. Mais elle se relevait toujours. Elle avait une aura, une stature, et elle a guidé son équipe avec son expérience. La Nouvelle-Zélande aurait dû perdre cette finale, mais elle les a portées. Aujourd’hui, elle entraîne, et ça ne m’étonne pas.