Romain Poite, l'arbitre français le plus capé

A 45 ans, Romain Poite devient l'arbitre français le plus capé dans l'histoire du rugby et le troisième ex-æquo au monde avec 70 sélections, au moment de prendre en charge le match Pays de Galles v Angleterre samedi 28 novembre 2020.

Encore un cap atteint pour le Toulousain Romain Poite, natif de Rochefort. Samedi 28 novembre 2020, alors qu'il donnera le coup d'envoi du match Pays de Galles v Angleterre dans le cadre de la Coupe d'Automne des Nations, il entamera l'arbitrage de son 70e test. Cela fait de lui non seulement l'arbitre français le plus capé de l'histoire du rugby, mais aussi le troisième ex-æquo au monde.

Pendant longtemps c'est le Sud-Africain Jonathan Kaplan qui avait détenu le record du nombre de tests arbitrés avec ses 70 sélections. Et puis Nigel Owens l'a dépassé en 2016 – pour arriver à 100 tests ce samedi 28 novembre 2020 – puis Wayne Barnes et enfin Romain Poite.

« C'est avant tout un honneur », confie Romain à World Rugby. « Mais c'est aussi la satisfaction du travail accompli depuis plusieurs années où on se remet en question en permanence pour avoir une certaine continuité à ce niveau-là. Le travail paye, pourvu que ça dure ! »

Avant d'être arbitre de champ, Romain avait été désigné à la touche dès le 14 février 2004 sur un Roumanie-République Tchèque (55-11) puis un an plus tard sur un Roumanie-Russie (33-10).

Son premier test en tant qu'arbitre central remonte au 11 novembre 2006 lorsqu'il s'est agi d'arbitrer un Maroc-Namibie (8-27). Un test en 2007 (Roumanie-Namibie), un autre en 2008 (USA-Uruguay), puis à partir de 2009 les rencontres se sont enchaînées, entre quatre et sept par an en moyenne, hors années de Coupe du Monde.

« On ne tient pas de décompte particulièrement, même si on enregistre tous nos matches, toutes nos désignations parce qu'il y a toujours des demandes concernant le nombre de matches arbitrés, les rencontres qui ont marqué. Mais ça reste quelque chose d'assez anecdotique », constate-t-il. « On essaie toujours de repousser la performance. Bon, j'en tiens compte car, pour moi, ça commence à sentir un peu le sapin (rires). Je suis plutôt sur la fin qu'au début de ma carrière ! »

Il raconte son plaisir de toujours arbitrer et cette petite appréhension constante de ne plus être un jour désigné sur tel ou tel match international. Il raconte aussi la rigueur de sa tâche et cette constante remise en question et adaptation aux nouvelles règles qui font évoluer le rugby.

« C'est un travail permanent et quotidien sur sa performance. Le technicien nous pousse souvent dans nos retranchements chaque fois qu'il y a des difficultés. Mais c'est la base de notre travail : connaître la règle et savoir l'appliquer dans une rencontre de haut niveau », rappelle-t-il.

Aucune gloire à sanctionner McCaw

Tout au long de sa carrière, il aura arbitré les plus grandes équipes au monde, au centre du terrain ou sur la touche. « Il n'y a pas d'équipes plus compliquées que d'autres à arbitrer ; il y a des matches qui ont leurs tensions et leurs difficultés », avance-t-il. « Peu importe la rencontre et les équipes, on garde toujours le plaisir d'arbitrer à ce niveau là. La difficulté additionne plus de piment à la préparation de la rencontre et au travail préparatoire au match. Le challenge pour un sportif est quelque chose d'important. »

Parmi ses « faits d'armes », ressort souvent ce carton jaune attribué à Richie McCaw à l'Eden Park, lors d'un match de Bledisloe Cup en 2014. Romain Poite est en fait l'un des rares arbitres à avoir donné un carton à l'ancien capitaine des All Blacks qui a cumulé 148 sélections dans sa carrière.

« Il n'y a pas de gloire à donner un carton jaune à Richie McCaw ou à un autre joueur », balaye-t-il, rappelant les bases de son job. « Franchement, on en donne déjà pas mal. Si il fallait se souvenir de tout, ce serait compliqué ! Dès lors qu'on doit sanctionner durement un joueur on est les premiers meurtris car c'est quelque chose qui est dur et difficile et qui peut impacter l'équilibre entre les deux équipes. Si on l'a fait, c'est qu'on était obligé. »

Bons et mauvais souvenirs avec l'Afrique du Sud

Romain Poite l'assure : il s'échine à ne garder que les bons moments. Comme cette phrase du Sud-Africain Francois Steyn lors d'un match contre les Fidji à Wellington, lors de sa première Coupe du Monde en 2011. « Il m'avait dit : 'Have fun' », se souvient-il. « C'est vraiment le motif pour lequel on est sur le terrain, c'est à dire prendre du plaisir, même si on doit le faire dans l'adversité, même si on doit le faire avec la sanction. Ça doit rester un plaisir d'être parmi ces grands joueurs, de diriger trente acteurs sur le terrain.

« Mais il y a aussi des souvenirs plus douloureux comme sur le Nouvelle-Zélande v Afrique du Sud en 2013. J'ai donné un carton jaune (pour un plaquage sur Dan Carter, ndlr) qui n'était pas mérité et à la sortie ça a fait un carton rouge au talonneur Bismarck du Plessis (après un second carton suite à une percussion coude en avant sur Liam Messam, ndlr). Ça a beaucoup marqué ma carrière. Mais on a les outils pour passer outre », reconnaît l'ancien policier qui se fait un point d'honneur à rendre justice.

« Parmi les bons moments je garde les deux tournées des Lions qui sont des moments privilégiés car peu d'entre nous y sont invités. J'ai la facilité de ne pas être Britannique, donc ça donne un peu plus de chance d'être sélectionné que mes camarades. Il y en a une troisième qui se profile l'année prochaine. A moi de me donner les moyens pour y participer à nouveau. »

La fierté d'arbitrer la finale de la RWC 2019 avec un compatriote

Être sélectionné en Coupe du Monde de Rugby figure également parmi les plus grands moments de sa carrière. Et même si ça n'a pas été autant médiatisé que la désignation de Jérôme Garcès comme arbitre central de la finale de la Coupe du Monde de Rugby 2019 au Japon, Romain Poite, lui, se trouvait au même moment sur la touche.

« C'est déjà un privilège de participer à une finale et en plus de pouvoir la partager avec un compatriote. Jérôme méritait cette désignation et j'étais sincèrement heureux pour lui. Bien sûr il y a une compétition qui s'établit entre arbitres, mais dès lors que quelqu'un obtient le Graal, on est tous satisfait pour lui. Très content aussi de pouvoir l'accompagner et de lui faire la touche comme j'aimerais qu'on me la fasse.

« C'est évident qu'on identifie beaucoup l'arbitre de centre comme étant le gros spot de la désignation, mais c'est vrai qu'on travaille en équipe. C'est une aventure collective, mais individuelle aussi. Jérôme a fait ce qu'il fallait pour figurer en finale et il le méritait amplement.

« Un match, c'est un one shot, on n'a pas le droit à l'erreur. Dans un match d'une telle ampleur, qui est regardé par toute la planète, c'est évident qu'il y a un regain de pression. Mais la pression, on finit par l'adapter à quelque chose de positif. On se sur-motive pour qu'il n'y ait pas d'erreur sur un match comme ça car le vainqueur est le champion du monde, ce n'est pas rien. »

Cap sur 2023

A 70 sélections, Romain est bien parti pour continuer pour arriver aux 90 de Wayne Barnes, voire aux 100 de Nigel Owens, même s'il refuse d'en parler. « Mon objectif est très simple, c'est prendre du plaisir tant que mon corps me le permet et tant que l'institution me le permet en me désignant. Comme le bon vin, on vieillit mieux et on aborde les choses de façon différente », dit-il.

« Ça permet aussi d'avancer dans la vie d'avoir ces exigences-là. Mais mon objectif n'est certainement pas de battre des records ou des collègues qui ont déjà atteint des rangs bien plus élevés que moi, bien que je sois très honoré et que ça me fasse très plaisir de rentrer dans ce club là. 

« J'espère que je serais encore là en 2023 ; ça fait partie des objectifs que j'évoque à demi-mots. Une Coupe du Monde supplémentaire serait pour moi un objectif à accomplir et peut-être une réflexion supplémentaire sur la suite de ma carrière. »

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